Bibliographie de Meaux


Almanach de la ville et du diocèse de Meaux

Sur les Almanachs en général, & celui de Meaux en particulier.

 
Utilité de ces Ouvrages ; leur nombre ; leur objet final ; difficulté de les décomposer ; découragement de l’Auteur ; retraite ; méditation ; plan & autres choses bonnes à connaître.  
Parmi les ouvrages qu’on présente au public, il n’en est pas qui paraisse aussi frivole qu’n almanach ; il en est cependant peu qui soit plus utile.
En vain un auteur chercherait-il à se faire un nom par ce genre de travail, il ne doit point espérer d’y parvenir : on profite de son recueil, on ignore quel est celui à qui l’on le doit.
L’on convient assez que ces légères productions ne doivent point être les enfants du génie ; elles n’échappent cependant point à la critique, ce qui vient de ce que pour beaucoup de personnes, c’est un plaisir bien doux que celui de mordre & de déchirer.
La plus longue durée d’un almanach n’excède pas celle du temps que la terre emploie à faire sa révolution annuelle autour du soleil ; mais quelque abrégée que soit  cette espèce de vie, elle doit contenter l’auteur, quand il la compare à l’existence éphémère de tan d’ouvrages qui ne se sont pas même soutenue jusqu’au lever d’une seconde aurore.
Rien d’ici bas n’est stable ; mais où peut-on mieux s’en convaincre que dans un ouvrage de la nature de celui-ci ? tant de noms qu’une nuit éternelle empêchera d’y reparaître ! tant de propriétés qui ont changé de maîtres ! tant d’édifices, tans de monuments détruis ! tant de coups du sort ! tant de fortunes renversés ou devenues, au contraire, si soudainement brillantes ! & tout cela dans l’espace de douze mois ! Rien ne peut-il mieux apprendre que la mobilité si étonnante de l’horizon, que le passage si subit d’une saison à une autre, que la marche rapide de l’astre qui nous éclaire autour des douze constellations du zodiaque, ne sont que l’emblème des révolutions qui arrivent sur notre globe & du changement continuel des scènes qui s’y passent, moins frappant encore que celui des personnages qui les remplissent.
Toutes nos provinces ont aujourd’hui leurs almanachs. La cour, le clergé, le militaire, la marine, la noblesse, le commerce, presque tous les états ont le leur ; on connaît celui des muses, celui des spectacles, celui des devises, celui de la toilette, etc. Il est reçu d’en porter trois ou quatre dans sa poche ; & tel souvent qui défraie un cercle par des faits historiques ou des bons mots ; tel que l’on prendrait pour un être important & très bien répandu, en le jugeant par les grands noms qu’il a toujours à la bouche, n’a puisé toute son érudition que dans ces sources.
Le public jouit du nôtre depuis sept ans. Nous n’avons rien négligé pour instruire & plaire ; mais peu de nos lecteurs concevront combien il faut d’art pour les intéresser chaque année par des variétés qui ne soient point étrangères au véritable objet que l’on doit remplir.
On serait dans l’erreur de croire qu’un almanach ne soit qu’un vaste champ propre à contenir toutes les productions qu’indistinctement on voudrait y entasser. Il est certain qu’un auteur délicat & intelligent, qui n’a point oublié les préceptes d’Aristote, ne doit pas s’écarter du genre qu’il a choisi. On peut lui permettre d’étendre &de décorer sa matière ; mais on doit y trouver une espèce d’unité. Celle, par exemple, qui convient à notre ouvrage, doit être concentrée dans les seuls détails relatifs à notre diocèse. Ainsi, sa topographie, son étendu, son histoire, ses anciens & ses nouveaux seigneurs ; ainsi une fête publique, des couplets ou toute autre espèce de vers à cette occasion ; des actes de bienfaisance, des legs pieux, des épidémies, des découvertes utiles, toutes ces choses doivent naturellement y prendre place, & ce sont même les seules dont nous ayons le droit de disposer. Mais lorsque ces lieux oratoires ont été suffisamment parcourus, ou lorsqu’une année ne présente point de nouveaux tableaux à peindre, quelles sont les ressources qui restent à l’auteur.
Voilà des difficultés qu’il connaît presque seul, & qui pourraient énerver son courage, s’il n’était vivement entraîné parle puissant attrait de servir le public ² s’il ne comptait sur les ressorts de son imagination.
Pour nous, après avoir longtemps tourmenté la nôtre, nous être souvent retiré à l’écart pour y penser plus à loisir, avoir parcouru des auteurs graves & du nom le plus célèbre, après avoir cent fois découvert & cent fois rejetés des expédients qui eussent pu nous mettre en état de fournir une nouvelle carrière, après avoir enfin consulté les différents ordres & les savants de cette ville, nous nous sommes arrêtés au plan qui suit.
Comme il est incontestable qu’un almanach n’est pas moins destiné à exalter les faits qui appartiennent au public, nous avons cru devoir consacrer notre plume à transmettre les jeunes & les autres à la postérité ; notre ouvrage marchera dorénavant sur 2 lignes. L’une présentera les mœurs, les usages, les goûts, les ressources des villes ou des endroits principaux de ce diocèse ; l’autre, les noms, la fortune, les titres, les gestes honorables de nos concitoyens.
Quelle satisfaction, quelle gloire pour un arrière petit-fils de retrouver après une longue suite d’années, les exploits de ses ancêtres, les titres de leur noblesse, ceux de leur probité, la mention honorable des services qu’ils auront rendus à la patrie !
D’un autre côté, avec quel attendrissement nos petits-neveux ne respecteront-ils point le rejeton d’un de leurs concitoyens qui n’avait point eu de parents assez décorés pour le séparer de la classe du roturier, mais qui le premier de sa race est sorti de l’obscurité, a jeté par la voie d’un honnête négoce, les fondements d’une fortune solide & légitime, & l’a offert aux indigents parmi lesquels il n’a point rougi de se rappeler qu’il avait été lui-même confondu ?
Il n’existera nul procédé honnête, nulle distinction accordé au mérite, nul trait d’esprit, nulle découverte due au génie qui ne soit consigné dans notre Almanach comme dans un registre absolument confié au Public.
Et quel plus puissant aiguillon pour exciter aux choses louables ?
Mais jamais aucun trait de satyre, aucun sarcasme ne fouillera notre plume.
Comme il ne pourra être qu’infiniment honorable d’occuper quelques feuilles, au moins quelques lignes dans notre recueil, si notre ouvrage peut faire espérer l’immortalité aux noms que nous y aurons consacré, il s’en suivra que ceux qui n’y auront point paru seront, par notre silence même non seulement condamnés à l’oubli, mais que s’ils lui échappent en laissant des preuves de leur existence par celle de leurs descendants, ils seront regardés comme des êtres qui pendant leur vie ont été ou inutiles ou à charge de la société & à leur famille.
Pour faciliter à nos concitoyens les moyens d’éviter cette espèce d’opprobre, 1° nous ne laisserons sûrement point échapper l’occasion d’en faire l’éloge quand elle se présentera ; 2° nous ne nous rendrons pas extrêmement difficiles sur les qualités ou titres qui nous en fourniront le sujet. Par exemple, un air de toilette & de propreté constamment soutenu sans affectation modeste, un ton de voix composé de manière à être entendu de tout un cercle sans fatigue l’oreille, sans avoir intercepté la conversation ‘un autre ; quelques usages enfin de ce genre nous suffiront pour rendre hommage aux personnes du beau sexe qui les auront constamment observés ; 3° Nous dresserons différentes loges ou case dans lesquelles on sera reçu suivant qu’on sera jugé digne de leur appartenir ; & afin que chaque ordre de citoyen ait le droit d’être rangé dans l’une ou l’autre, nous établirons les classes suivantes.
  1. La noblesse
  2. Le clergé
  3. La magistrature
  4. les bienfaiteurs
  5. le beau sexe
  6. les auteurs
  7. les arts libéraux
  8. les notaires & procureurs
  9. les négociants
  10. les manufacturiers
  11. les marchands
  12. les artisans
  13. les coups  du fort
  14. les fortunes rapides
  15. les bons parents
  16. les bons pauvres
Les mêmes personnes pourront être insérées dans plusieurs cases quand on leur connaîtra des titres combinés qui leur mériteront cette prérogative.
Ce sera moins notre jugement particulier que l’opinion publique qui décidera des rangs & des distinctions que nous accorderons. Cependant les personnes qui voudront nous communiquer des articles à insérer dans nos annales, ne négligeront point de nous les adresser à la fin d’octobre de chaque année.
Au reste en nous engageant, comme nous le faisons, à instruire la postérité de ce qui pourra contribuer à la gloire ou d’une famille ou d’un individu, on peut, quant à présent, d’autant plus douter de l’effet de nos promesses que la seule voie dont sous devons nous servir est celle de l’ouvrage le plus frivole & le plus périssable qu’on connaisse, & dont on songe le moins à meubler une bibliothèque.
Mais outre l’intérêt que chacun aura de conserver la note qui l’intéressera ou les siens, nous aurons soin que l’impression de nos cases, loges, annales, tableaux, éloges ou caractères (car nous ignorons encore le titre que nous choisirons) soit dirigée de manière qu’on en puisse isoler les feuilles &den faire par succession d’années, une collection qui n’empruntera rien de la forme de l’Almanach.
D’ailleurs nous contracterons solennellement & avec toutes les formalités requisses en pareil cas, l’obligation d’en dépose chaque année, crainte des incendies, des rats ou autres accidents, trois exemplaires, l’un dans la bibliothèque léguée à MM. du chapitre par un de leur confrère, l’autre dans celle des religieux de St-Faron, & un troisième au greffe de police.
Telles sont en raccourci nos idées que le temps ne pourra qu’étendre & perfectionner. Tel est le plan que nous avons conçu mais dont nous remettrons l’exécution à l’année prochaine & à celles qui suivront, persuadés que ceci devenant pour ainsi dire, la chose publique, il est dans l’ordre que toutes les personnes qui y sont intéressées aient le droit de la méditer, d’en conférer, d’en délibérer, & de nous laisser connaître le jugement qu’elles en porteront ; & déterminés non seulement à recevoir les avis, à faire les changements ou additions qui nous seront proposés, mais à attendre même le résultat d’un scrutin que nous déclarons de ce moment, devoir être purement relatif pour nous suffire & nous décider, soit à fournir la carrière dans laquelle nous sommes prêts d’entrer, soit à y renoncer.

Au reste comme dans notre projet de remplir cet Almanach, nous avons annoncé que les objets généraux seraient une des mères branches à laquelle nous nous attacherions, nous allons pour cette année, donner un premier essai des nôtres que l’on peut faire  sur notre bonne ville, ou plutôt sur ce qui est relatif aux mœurs, aux occupations, aux talents, aux goûts de ses habitants. Ces différents articles ainsi que les ressources sociales qu’ils offrent seront compris sous le titre suivant.
 
Extrait de l'Almanach de la ville et du diocèse de Meaux, 1783 - Par l'auteur de l'Almanach  
   

A propos des Almanachs Où consulter les Almanachs ? Sommaires des années 1771 à 1788 Sommaire type d'un Almanach
   
     
Contact Informations Plan du site Copyright 2006-2013